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Les personnages : deux chiens, Hylactor etPamphagus.

 

HYLACTOR

S’il plaisait au dieu Anubis que je puisse trouver un chien qui sut parler, comprendre et tenir des propos comme je le fais que je serais content! Car je ne veux pas m’avancer à parler sans que ce soit avec mon semblable. Pourtant, je suis bien assuré que si je voulais dire la moindre parole devant les hommes, je serais le plus heureux chien qui jamais ne fut. Je ne connais ni prince ni roi en ce monde qui serait digne de m’avoir, vu l’estime dans lequel on me tiendrait. Si j’en avais seulement dit autant que je viens d’en dire, en quelque compagnie de gens que ce soit, le bruit en serait déjà rendu jusqu’aux Indes! Et on dirait partout : « Il y a en tel lieu un chien qui parle ». On viendrait de tous les recoins du monde et l’on donnerait de l’argent pour me voir et m’entendre parler là où je serais. Plus encore : ceux qui m’auraient vu et entendu gagneraient souvent leur pain à raconter ma manière d’être et mes propos aux étrangers et dans les pays lointains. Je ne pense pas que l’on ait vu chose plus merveilleuse, plus exquise, ni plus délectable!

Mais je me garderai bien toutefois de dire quoi que ce soit devant les hommes tant que je n’aurai pas trouvé d’abord un autre chien qui parle comme moi, car il n’est pas possible qu’il n’y en ait pas quelque autre dans le monde. Je sais bien qu’il ne pourrait m’échapper un tout petit mot sans que, tout de suite, ils accourent tous vers moi pour en entendre davantage. Et peut-être que, pour cette raison, ils voudraient m’adorer en Grèce comme on l’a fait pour Anubis en Égypte, tant les humains sont curieux de nouveauté! Or, je n’ai encore rien dit et je ne dirai rien parmi les hommes avant que j’aie trouvé quelque chien qui m’ait parlé. Toutefois, c’est une grande peine que de se taire particulièrement pour ceux qui, comme moi, ont beaucoup de choses à dire!

Mais voici ce que je fais quand je me retrouve seul et que je vois que personne ne peut m’entendre : je me prends à dire, à part moi, tout ce que j’ai sur le cœur et vide ainsi mon flux de ventre, euh… je veux dire de langue, sans que le monde en soit abreuvé. Et bien souvent, en allant par les rues à l’heure où tout le monde est couché, j’appelle – pour passer le temps agréablement! – quelque voisin par son nom et lui fait sortir la tête par la fenêtre et crier pendant une heure « Qui est là? ». Après qu’il ait beaucoup crié et que personne ne lui a répondu, il se met en colère et, moi, je ris! Et quand de bons compagnons de chiens s’assemblent pour aller battre le pavé, j’y vais volontiers afin de parler librement parmi à eux pour voir si je n’en trouverai pas un qui comprenne et parle comme moi, car cela me serait une grande consolation et la chose que je désire le plus en ce monde. Or quand nous jouons ensemble et que nous nous mordons l’un l’autre, je leur dis toujours quelque chose en l’oreille, les appelant par leurs noms et surnoms, en leur demandant s’ils ne parlent pas, chose qui les étonne autant que si des cornes leur poussaient! Car, voyant cela, ils ne savent que penser : si je suis homme déguisé en chien ou un chien qui parle. Et afin que je dise toujours quelque chose et que je ne demeure pas sans parler, je me prends à crier « Au meurtre, bonnes gens, au meurtre! ». À ce moment-là, tous les voisins se réveillent et se mettent aux fenêtres. Mais quand ils voient que ce n’est que moquerie, ils s’en retournent se coucher. Cela fait, je passe en une autre rue et crie autant que je peux : « Au voleur, au voleur! Les boutiques sont ouvertes! ». Pendant qu’ils se lèvent, je m’en vais plus loin et, quand je passe un coin de rue, je commence à crier : « Au feu, au feu! Le feu est en votre maison! ». Aussitôt, vous les verriez tous jaillir sur la place, les uns en chemises, les autres tous nus, les femmes tout échevelées, criant : « Où est-ce? Où est-ce? ». Et quand ils ont beaucoup sué et qu’ils ont bien cherché et regardé partout, ils trouvent à la fin que ce n’est rien et s’en retournent achever leur besogne et dormir sûrement. Puis quand j’ai bien fait toutes les folies de mes nuits attiques jusqu’au chapitre Au sujet des parleurs futiles et importuns, pour mieux passer le reste de mes fantaisies, je me transporte au parc de nos ouailles afin d’y faire le loup dans la paille; ou je m’en vais déraciner quelque arbre mal planté; ou brouiller et mêler les filets de ces pêcheurs; ou mettre des os et des pierres au lieu du trésor que Pygargus, l’usurier, a caché dans son champ; ou je vais pisser dans les pots du potier et chier dans ses beaux vases. Et si, par aventure, je rencontre la garde, j’en mords trois ou quatre pour mon plaisir, puis je m’enfuis aussi vite que je peux en criant « Qui pourra me prendre me prenne! ». Mais, quoi qu’il en soit, je suis bien contrarié de ne pas trouver quelque compagnon qui sache aussi parler. Toutefois, j’ai bon espoir d’en trouver un… à moins qu’il n’y en ait pas un seul autre au monde.

Voilà Gargilius qui s’en va à la chasse avec tous ses chiens. Je m’en vais m’ébattre avec eux afin de voir s’il n’y en a pas un dans la compagnie qui parle.

« Dieu vous garde, les compagnons! Dieu te garde, épagneul, mon ami! Dieu te garde, mon compagnon lévrier! »

Oui, certes, ils sont tous muets. Au diable le mot qu’on saurait tirer d’eux! N’est-ce pas pitié? Puisque c’est ainsi et que je ne peux en trouver un seul qui puisse me répondre, je voudrais connaître quelque poison ou herbe qui me ferait perdre la parole et me rendrait aussi muet qu’ils le sont! Je serais bien plus heureux que de languir ainsi du misérable désir que j’ai de parler et de ne pouvoir trouver, pour ce faire, des oreilles commodes telles que je les désire.

« Et toi, compagnon, ne saurais-tu rien dire? »

Parlez à des bêtes…

« Dis, eh! mâtin, ne parles-tu point? »

PAMPHAGUS

Qui appelles-tu mâtin? Mâtin, toi-même!

HYLACTOR

Eh! Mon compagnon, mon ami, pardonne-moi s’il te plaît, et approche-toi de moi, je te prie. Tu es celui que j’ai le plus désiré et cherché en ce monde!

Et voilà un saut pour l’amour de Diane qui m’a rendu si heureux en cette chasse où j’ai trouvé ce que je cherchais. En voilà encore un autre pour toi, gentil Anubis! Et celui-là pour Cerbère, gardien des enfers!

Dis-moi ton nom, s’il te plaît.

PAMPHAGUS

Pamphagus.

HYLACTOR

Est-ce toi, Pamphagus, mon cousin, mon ami? Tu connais donc bien Hylactor.

PAMPHAGUS

Certainement, je connais bien Hylactor! Où est-il?

HYLACTOR

C’est moi!

PAMPHAGUS

Tu dis vrai? Pardonne-moi, Hylactor, mon ami : je ne pouvais te reconnaître, car tu as une oreille coupée et je ne sais quelle cicatrice au front que tu n’avais pas auparavant. D’où cela t’est-il venu?

HYLACTOR

Ne cherche pas à en savoir plus, je t’en prie : la chose ne vaudrait pas d’être racontée. Parlons d’autres matières. Où as-tu été et qu’as-tu fait depuis que nous perdîmes notre bon maître, Actéon?

PAMPHAGUS

Ah! Le grand malheur. Tu me renouvelles mes douleurs. Ô! Que je perdis beaucoup en sa mort, Hylactor, mon ami, car je faisais alors bonne chère, tandis que je meurs de faim maintenant.

HYLACTOR

Par mon serment! Nous avions du bon temps quand j’y pense. C’était un homme de bien, Actéon, et un vrai gentilhomme, car il aimait bien les chiens. On n’aurait pas osé frapper le moindre d’entre nous quoi qu’il eût fait. Et, avec cela, que nous étions bien traités! Tout ce que nous pouvions prendre, que ce fut dans la cuisine, au garde-manger ou ailleurs, était nôtre, sans que personne ne fût assez hardi pour nous battre ou nous toucher, car il l’avait ainsi ordonné pour nous nourrir plus libéralement.

PAMPHAGUS

Hélas, c’est bien vrai. Le maître que je sers maintenant n’est pas ainsi (loin de là!), car il ne tient pas compte de nous. Et ses gens non plus ne nous donnent rien à manger la plupart du temps. Et toutes les fois qu’on nous trouve dans la cuisine, on crie contre nous, on nous énerve, on nous menace, on nous chasse, on nous bat tellement que nous sommes plus meurtris et déchirés de coups que de vieux coquins.

HYLACTOR

Voilà ce que c’est, Pamphagus mon ami, il faut prendre patience. Le meilleur remède que je connaisse pour les douleurs présentes, c’est d’oublier les joies passées dans l’espoir de mieux avoir dans l’avenir. De même, à l’inverse, le souvenir des maux passés sans plus de crainte de ceux-ci (ou de pire) fait trouver les biens présents bien meilleurs et beaucoup plus doux.

Or, sais-tu ce que nous ferons, Pamphagus, mon cousin? Laissons les autres chiens courir le lièvre et écartons-nous, toi et moi, pour discuter un peu plus à loisir.

PAMPHAGUS

J’en serais bien content, mais il ne nous faut pas y rester trop longtemps.

HYLACTOR

Aussi peu que tu voudras. Peut-être que nous ne nous reverrons pas avant longtemps. Je serais bien heureux de te dire plusieurs choses et d’en entendre aussi de toi.

Nous voici. Ils ne sauraient nous voir dans ce petit bocage. Et puis leur gibier ne viendra pas par là.

Maintenant, je te demanderais volontiers si tu ne sais pas la raison pour laquelle toi et moi parlons, alors que tous les autres chiens sont muets! Car je n’en trouvai jamais un seul qui sut me dire quoi que ce soit à part toi et j’en ai beaucoup vu en mon temps!

PAMPHAGUS

N’en sais-tu rien? Je vais te le dire. Te souviens-tu bien quand nos compagnons, Mélanchétès, Thérodamas et Oresitrophus sautèrent sur Actéon, leur bon maître – et le nôtre! – que Diane venait tout juste de transformer en cerf, puis que nous accourûmes et lui donnèrent tant de coups de dents qu’il mourut sur place? Tu dois bien le savoir, comme je l’ai vu dans je ne sais quel livre qui est dans notre maison.

HYLACTOR

Comment? Tu sais donc lire? Où as-tu appris cela?

PAMPHAGUS

Je te le dirai après, mais écoute ceci en premier. Tu dois comprendre que, pendant que chacun de nous s’efforçait de mordre Actéon, je lui mordis par hasard la langue qu’il tirait hors de sa bouche, si bien que j’en emportai un bon morceau que j’avalai. Or, le conte dit que cela fut la cause de ma capacité à parler. Il n’y a rien de plus vrai, car Diane le voulait aussi. Mais, parce que je n’ai pas encore parlé devant les hommes, on croit que ce n’est qu’une fable. Toutefois, on cherche toujours à trouver les chiens qui mangèrent la langue d’Actéon transformé en cerf, car le livre dit qu’il y en eut deux. Et je suis l’un d’eux.

HYLACTOR

Corbieu! Je suis donc l’autre, car j’ai le souvenir d’avoir mangé un bon morceau de sa langue. Mais je n’aurais jamais pensé que la parole m’était venue à cause de cela!

PAMPHAGUS

Je t’assure Hylactor, mon ami, qu’il en est ainsi que je te le dis, car je l’ai vu en écrit.

HYLACTOR

Tu es bien chanceux de t’y connaître ainsi en livres dans lesquels l’on voit tant de bonnes choses. Que c’est un beau passe-temps! Je voudrais que Diane m’eût fait la grâce d’en savoir autant que toi.

PAMPHAGUS

Et je voudrais bien ne pas en savoir autant, car à quoi cela sert-il à un chien de lire (et de parler aussi)? Un chien ne doit savoir autre chose que d’aboyer aux étrangers, de servir de garde à la maison, de flatter les domestiques, d’aller à la chasse, de courir le lièvre et le prendre, de ronger les os, de lécher la vaisselle et de suivre son maître.

HYLACTOR

C’est vrai, mais il est tout de même bon de savoir davantage de choses, car on ne sait où l’on se trouve.

Mais comment? Tu n’as donc pas encore donné à entendre aux gens que tu sais parler?

PAMPHAGUS

Non.

HYLACTOR

Et pourquoi?

PAMPHAGUS

Parce que cela ne m’importe pas. J’aime mieux me taire.

HYLACTOR

Pourtant, si tu voulais bien dire quelque chose devant les hommes, tu sais bien que les gens de la ville non seulement iraient t’écouter, s’émerveillant et prenant plaisir à t’entendre, mais aussi ceux de tout le pays des environs, voire de tous les coins du monde viendraient à toi pour te voir et t’écouter parler. N’accordes-tu aucune valeur à l’idée de voir autour de toi dix millions d’oreilles qui t’écoutent et autant d’yeux qui te regardent en face?

PAMPHAGUS

Je sais bien tout cela. Mais quel autre profit m’en viendrait? Je n’aime pas la gloire de causer, je te le dis, car cela me serait aussi une souffrance : il n’y aurait un coquin si petit à qui il ne me faudrait tenir des propos et rendre raison. On me garderait dans une chambre, je le sais bien. On me frotterait, on me peignerait, on m’accoutrerait, on m’adorerait, on me dorerait, on me dorloterait. Bref, je suis bien assuré que l’on voudrait me faire vivre autrement que le naturel d’un chien ne le requiert. Mais…

HYLACTOR

Eh! bien, ne serais-tu pas content de vivre un peu à la façon des hommes?

PAMPHAGUS

À la façon des hommes?  Je te jure par les trois têtes de Cerbère que j’aime mieux être toujours ce que je suis que de ressembler davantage aux hommes en leur misérable façon de vivre, ne serait-ce que pour l’excès de paroles dont il me faudrait faire usage avec eux!

HYLACTOR

Je ne suis pas de ton opinion. Il est vrai que je n’ai pas encore parlé devant eux, mais, si je n’avais pas eu la fantaisie de trouver d’abord quelque compagnon qui sut parler comme nous, je n’aurais pas mis tant de temps à leur dire quelque chose, car j’en vivrais mieux, plus honorablement… et magnifiquement. Ma parole serait préférée à celle de tous les hommes quoi que je dise car, aussitôt que j’ouvrirais la bouche pour parler, l’on ferait silence pour m’écouter. Ne sais-je pas bien comment sont les hommes? Ils sont vite ennuyés par les choses présentes, accoutumées, familières et certaines. Et ils aiment toujours mieux les choses absentes, nouvelles, étrangères et impossibles. Et ils sont si sottement curieux qu’il ne faudrait qu’une petite plume qui s’élevât de terre le moins du monde pour les amuser tous tant qu’ils sont.

PAMPHAGUS

Il n’y a rien de si vrai que les hommes se lassent de s’entendre parler les uns les autres et voudraient bien entendre quelque chose qui vient d’ailleurs que d’eux-mêmes. Mais considère aussi qu’à la longue, ils s’ennuieraient aussi de t’entendre causer. Un cadeau n’est jamais si beau ni si plaisant qu’à l’heure où on le présente avec de belles paroles qui le font trouver bon. On n’a jamais autant de plaisir avec Lycisca que la première fois qu’on la prend. Un collier n’est jamais si neuf que le premier jour qu’on le met. Car le temps fait vieillir toutes choses et leur fait perdre la grâce de la nouveauté. Aurait-on beaucoup entendu parler les chiens, on voudrait entendre parler les chats, les bœufs, les chèvres, les brebis, les ânes, les porcs, les puces, les oiseaux, les poissons et tous les autres animaux! Et puis qu’aurait-on de plus quand tout serait dit? Si tu y penses bien, il vaut mieux que tu aies encore à parler plutôt que d’avoir déjà tout dit.

HYLACTOR

Or, je ne pourrais plus m’en retenir longtemps.

PAMPHAGUS

Je m’en rapporte à toi : on t’aura en fort grande admiration pour un temps, on te prisera beaucoup. Tu mangeras de bons morceaux, tu seras bien servi de tout, sauf qu’on ne te demandera pas « duquel voulez-vous? », car tu ne bois point de vin, selon ce que je crois. Pour le reste, tu auras tout ce que tu demanderas, mais tu ne seras pas en telle liberté que tu désirerais car, bien souvent, il te faudra parler à l’heure où tu voudrais dormir et prendre ton repos. Et puis je ne sais pas si, à la fin, on ne sera pas ennuyé par toi.

Or, il est temps de nous retirer auprès de nos gens. Allons les rejoindre, mais il faut faire semblant d’avoir bien couru et travaillé, et d’être hors d’haleine.

HYLACTOR

Qu’est-ce que je vois là sur le chemin?

PAMPHAGUS

C’est un paquet de lettres que quelqu’un a laissé tomber…

HYLACTOR

Je t’en prie, déplie-le et regarde voir ce que c’est puisque tu sais bien lire.

PAMPHAGUS

« Aux Antipodes supérieurs, … »

HYLACTOR

« Aux Antipodes supérieurs »?  Je crois qu’il y aura là quelque chose de nouveau.

PAMPHAGUS

« Les Antipodes inférieurs, aux Antipodes supérieurs… »

HYLACTOR

Mon Dieu, que ces lettres viennent de loin!

PAMPHAGUS

« Messieurs les Antipodes, par le désir que nous ayons de converser humainement avec vous, à telle fin d’apprendre de vos bonnes façons de vivre et de vous communiquer des nôtres, et suivant le conseil des astres, nous avions fait passer quelques-uns de nos gens par le centre de la Terre pour aller auprès de vous. Mais, vous étant aperçus de cela, vous leur avez bouché le trou de votre côté, de sorte qu’il faut qu’ils demeurent dans les entrailles de la Terre. Or, nous vous prions que votre bon plaisir soit de leur donner le passage, autrement nous vous en ferons sortir par tant de côtés et en si grande abondance que vous ne saurez auquel courir, tellement que, ce que l’on vous prie de faire par grâce et amour, vous serez contraints de le souffrir par la force à votre grande honte et confusion! 

À Dieu soyez,

Vos bons amis, les Antipodes inférieurs »

Voilà bien des nouvelles!

HYLACTOR

Ce sont monts et merveilles!

PAMPHAGUS

Écoute, on m’appelle. Il me faut m’en aller. Nous lirons le reste des lettres une autre fois.

HYLACTOR

Mais où est-ce que tu les mettras? Cache-les là dans quelque trou de cette pyramide et couvre-les d’une pierre, on ne les trouvera jamais. Et puis aujourd’hui à une quelconque heure si nous en avons le loisir ou demain, qui est le jour des Saturnales, nous viendrons achever de les lire, car j’espère qu’il y aura là quelques bonnes nouvelles. Et je veux aussi t’apprendre plusieurs belles fables que j’ai entendues raconter autrefois comme la fable de Prométhée, la fable du grand Hercule de Libye, la fable du jugement de Pâris, la fable de Saphon, la fable d’Érus qui revécut et la chanson de Ricochet, si par hasard tu ne la connais pas.

PAMPHAGUS

Tu te moques de moi? J’ai été bercé de telles matières!

Hâtons-nous, je te prie. Et taisons-nous pour que nos gens, qui sont ici, tout près, ne nous entendent pas parler.

HYLACTOR

Je ne parlerai donc pas aujourd’hui? Oui, je le ferai, par Diane, si je puis être en notre maison, car je ne pourrais plus m’en retenir. Adieu donc!

PAMPHAGUS

Et n’oublie pas de bien ouvrir la bouche et de tirer la langue, afin d’avoir l’air d’avoir bien couru.

Ce folâtre de Hylactor ne pourra se retenir de parler afin que le monde parle aussi de lui! Il lui suffira de dire peu de paroles pour assembler bientôt beaucoup de gens autour de lui, et le bruit en courra aussitôt de par toute la ville, tant les hommes sont curieux et discutent volontiers des choses nouvelles et étrangères.

fin-du-livre-Cymbalum-Mundi

Fin du présent livre intitulé Cymbalum
mundi
, en français, imprimé nouvellement à
Paris pour Jean Morin Libraire
demeurant audit lieu en la rue
Saint-Jacques, à l’enseigne
du Croissant.
1537

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Albrecht Dürer - Saint Eustache.
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