Drarig est une anagramme de Girard et pourrait donc désigner Gérard Roussel, un membre important du cercle de Meaux qui est connu pour avoir introduit les idées évangéliques (critiques de l’orthodoxie catholique) que certains considèrent comme un prélude à la Réforme en France. Plusieurs commentateurs prétendent cependant que ce même Drarig représente plutôt le célèbre Érasme de Rotterdam, le grand humaniste des Pays-Bas dont le nom à la naissance aurait été Gerrit ou Gerrits, c’est-à-dire Gerardus en latin (donc aussi Gérard ou Girard, qu’on emploie indifféremment en français à l’époque). Certains incidents dans ce dialogue semblent le confirmer: après que Rhetulus lui ait fait échapper ses fragments de pierre philosophale, Drarig lui reproche de lui avoir fait « perdre en un moment » tous ses « labeurs depuis trente ans » comme Luther avait réduit à néant les efforts de réforme de l’intérieur de l’Église entamés par Érasme environ trente ans avant la parution de ce livre. Le fait aussi que Drarig dise qu’il tuerait Luther s’il était un « homme de guerre » et s’il avait eu « une épée » semble significatif vu qu’Érasme est célèbre pour son pacifisme : il a publié un plaidoyer pour la paix – Querela pacis – en 1516 (une année avant le déclenchement de la Réforme par Luther) et son célèbre Enchiridion militis christiani (Le Manuel – ou plus littéralement le Poignard – du soldat chrétien) l’a fait connaître en 1503, soit un peu plus de trente ans avant la publication du Cymbalum.
Il reste qu’aucune de ces deux hypothèses n’est entièrement satisfaisante. Si l’auteur du livre est bien Bonaventure Des Périers, il serait étonnant qu’il se moque de Gérard Roussel qui est le protégé, l’aumônier et le confesseur de Marguerite de Navarre dont Des Périers sera le fidèle secrétaire. De même, il n’est pas certain que le nom de baptême d’Érasme (mort en 1536, l’année précédant la parution du Cymbalum mundi) ait pu être connu à l’époque.